Autour du thème, Economie informelle : s’appuyer sur les collectifs d’habitants, cette conférence inaugurait le cycle de travaux du RTES sur la thématique économie informelle et ESS, , menés avec le soutien de l'ANCT (voir notre article dédié). Le RTES accueillait pour l’occasion Fatima Mostefaoui, déléguée générale du collectif Avec Nous et présidente du collectif de femmes des quartiers nord de Marseille et Claude Sicart, président de Pole S et membre du CNV (Conseil National des Villes).
(Re)voir la conférence en ligne :
- Claude Sicart, président de Pole S et membre du CNV
Pole S, qui signifie Plateforme d’orientation vers l’emploi par l’économie solidaire, a été créée il y a 30 ans à Villeneuve la Garenne et est aujourd’hui implantée dans de nombreux quartiers populaires en Ile-de-France et à Marseille. Claude Sicart est depuis plus de 20 ans militant et professionnel dans les quartiers de la politique de la ville, il a donc été rapidement en prise avec l’économie informelle. D’abord celle qui se donne à voir, présente dans la rue comme les garages de rue et autres services de rue, puis usager quotidien de l’économie informelle en déjeunant le midi grâce à la cuisine réalisée par des collectifs de femmes, seule offre de restauration dans les quartiers où il travaillait. Il a également découvert le fonctionnement des tontines, forme de banque solidaire, tenue surtout par des collectifs de femmes qui se rassemblent et thésaurisent en vue de développer des projets économiques.
Claude Sicart est membre du Conseil National des Villes, instance consultative présidée par le premier ministre qui concourt à la conception et à la mise en œuvre de la politique de la ville. Le CNV a été saisi en mars 2019 par Julien Denormandie, Ministre de la ville et du logement, sur l’économie informelle.
La saisine ministérielle souligne : “les stratégies de développement économique urbain élaborées par les acteurs territoriaux sont essentiellement tournées vers les entreprises et le secteur marchand. Or, force est de constater que dans les QPV, il existe une part importante de l’activité portée par de l’économie sociale et solidaire ou l’économie informelle, pans économiques qui devraient permettre d’intégrer les quartiers prioritaires dans les stratégies globales de développement des territoires. Des projets économiquement viables émergent, parfois à partir d’activités informelles ou peu rentables, mais globalement, les taux de réussite ne sont pas encore à l’échelle des enjeux et des besoins. Or, les quartiers prioritaires disposent d’atouts, notamment une population jeune, dynamique, capable d’identifier les besoins de services, d’activités de proximité et d’y répondre avec ses propres codes et modèles, définis parfois comme l’économie populaire. Comment faire évoluer du non-lucratif vers du lucratif les projets et les initiatives des habitants ? »
Pour Claude Sicart, la volonté de “faire évoluer du non lucratif au lucratif les projets et les initiatives des habitants”, est un peu réductrice de ce qu’est l’économie informelle et si il y a lieu de la rendre plus performante il ne faudrait pas la réduire à des activités qui seraient viables économiquement. Il est intéressant de voir qu’avec et depuis ce rapport du CNV, le sujet de l’économie informelle a surgit dans le débat public alors qu’elle est intrinsèquement liée à l’histoire de la politique de la ville, et même antérieure, mais l’économie informelle a toujours été mise de côté, non reconnue, non prise en compte. Elle n’a ainsi fait l’objet d’aucune étude de l’ONPV (observatoire national de la politique de la ville), sauf il y a un an sur l’économie informelle à Mayotte qui représente 60% de l’économie mahoraise. L’émergence de cette question aujourd’hui est selon Claude Sicart l’expression de l’échec de la politique de la ville : le taux de chômage dans les quartiers populaires atteint toujours près de 30%, 40% de la population est sous les seuils de pauvreté, etc.
Les membres du CNV retiennent comme définition : “l’économie informelle désigne l’ensemble des initiatives et des activités (vente de biens ou de services, prestations, accompagnement de personne, projet individuel ou collectif), créatrices de valeur et de lien de solidarité, qui échappent à la régulation de l’Etat et à la comptabilité nationale, qui ne s’inscrivent dans aucun cadre réglementaire et n’offrent, de ce fait, pas de protection sociale pour les personnes.”
- Fatima Mostefaoui, déléguée générale du collectif Avec Nous et présidente du collectif de femmes des quartiers nord de Marseille
Le collectif des femmes des quartiers nord de Marseille s’est constitué suite à un règlement de compte lié au trafic de drogues ayant causé la mort d’un jeune à la sortie d'un théâtre. Suite à cela des femmes se sont constituées en collectif et ont rédigé une tribune parue en avril 2019, sur la redistribution des biens confisqués de la mafia, motivée surtout par un sentiment d’abandon. Ces biens confisqués, s’ils étaient redistribués dans les quartiers populaires, pourraient servir à leur développement économique, social, etc.
Fatima Mostefaoui insiste sur la nécessité de distinguer économie informelle et économie du crime ou mafieuse, trop souvent confondue ou associée, ce qui d’une certaine façon revient à nier les savoir-faire. L’économie informelle est très présente et depuis longtemps dans les quartiers populaires : depuis des années des femmes font de la cuisine de façon informelle par exemple, mais cela n’est jamais valorisé. Rien n’est fait non plus pour s’appuyer sur cette économie informelle et essayer de faire sortir les gens de leurs difficultés. Une des femmes du collectif fait par exemple de la cuisine de grande qualité, elle pourrait prétendre à ouvrir un restaurant ou faire traiteur, elle est très régulièrement sollicitée pour participer à des événements mais quand elle a voulu créer sa propre activité elle n’a rencontré que des obstacles, et c’est une autre personne avec plus de compétences en ingénierie qui a récupéré son projet. Les compétences sont présentes dans les quartiers populaires, le problème c’est de vouloir faire appel à des compétences extérieures pour accompagner ou “monter en compétences” les habitants des quartiers populaires, ce qui exprime en réalité un manque de confiance envers ces derniers et est très mal vécu. Ce dont ils ont besoin, ce sont des moyens en ingénierie pour le montage de projets et la mise en commun de compétences variées.
En lien avec Pole S, le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille a développé une fabrique numérique (voir le dossier de La Fabrique des quartiers populaires).
Le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille a également initié une place de marché au sein du quartier à partir du travail de femmes qui ont des jardins partagés et cultivent du bio, dans le cadre des tables de quartier, un dispositif de participation des habitants. La place de marché travaille avec une ferme en proximité, l’installation de maraîchers bio sur le territoire, et la vente de produits accessibles aux habitants du quartier.
Des ateliers de fabrication de savons et de lessive sont également organisés, les femmes vendent ensuite leurs productions. Faire sa propre lessive, son propre déodorant, ça n’est pas valorisé dans les quartiers populaires, il y a des porteurs de projets extérieurs qui vendent des produits naturels comme des produits nouveaux, pourtant ce sont des savoir-faire ancestraux dans nos quartiers, nos parents se lavaient les dents avec du charbon, nous avons grandi avec cela, il est nécessaire de faire reconnaître cette économie. Nous avançons sur ces sujets et maintenant un incubateur solidaire est en cours de développement.
Quels freins dépasser pour transformer l’économie informelle vers l’ESS et quels leviers d’action des collectivités territoriales ?
L’économie informelle est une production de biens et de services à faible coût qui permet à des personnes confrontées à des fragilités croissantes d’avoir des revenus, aussi faibles soient-ils. L’économie informelle répond à des besoins de biens et de services à des prix adaptés aux moyens financiers des habitants. Jamais il n’a autant été question du savoir-faire et des initiatives des habitants des quartiers populaires, cette convocation est quasi-quotidienne. Nous sommes donc face à une contradiction évidente : car malgré cette convocation quotidienne, on a en réalité du mal à rendre plus visibles et soutenir ces savoir-faire pour permettre aux gens d’avoir des activités non plus uniquement de survie mais qui permettent d’accéder à des droits.
En premier lieu il s’agit de ne pas croire que cela réglera toutes les problématiques de l’emploi, et d’imaginer qu’il suffit de recruter un chargé de mission dédié pour avoir en un claquement de doigt accès à toutes les pratiques informelles. Cela prend du temps, il faut savoir créer des espaces de confiance où les compétences et savoir-faire peuvent être révélés dans un espace collectif. Cela passe par l’écoute des habitants et la prise en compte notamment des collectifs de femmes qui sont très présents mais souvent invisibilisés, et porteurs d’initiatives socio-économiques et citoyennes.
Un deuxième écueil serait d’envisager la formalisation de l’économie informelle sous le prisme du marché et de la rentabilité. Ces modèles économiques doivent s’appuyer sur un triptyque : la participation citoyenne de ces collectifs, le maintien d’une offre de services qui reste accessible et des subventions publiques. Car il ne faut pas oublier que ces collectifs informels se déploient sur des espaces de réciprocité, il y a des services rendus qui ne sont pas marchands mais qui dégagent des ressources et qui peuvent s’hybrider.
Le rapport du CNV pointe un préalable important : le portage politique au niveau national et local, il y a besoin de financements dédiés, de cadres d’intervention dédiés et également de mobiliser l’ONPV : ce qui n’est pas compté, ne compte pas. L’actuelle période d’élaboration des contrats de ville constitue en ce sens une période propice : les collectivités pourraient inscrire dans ces contrats de ville l’intention de financer de l'ingénierie et se donner des objectifs en vue de ce passage de l’économie informelle vers l’ESS, en co-construisant véritablement avec les habitants.
Un projet de centre de ressource sur l’économie populaire
Pole S, le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille ainsi que trois universitaires, portent le projet d’un centre ressource de l’économie populaire qui devrait prochainement voir le jour à Marseille (retardé par la crise Covid-19). Avec l’objectif de s’appuyer sur les tables de quartier (espaces citoyens qui réunissent associations et/ou habitants mobilisés à l’échelle du quartier), il s’agit de découvrir et diagnostiquer l’économie informelle et d’évaluer les flux financiers ainsi que les échanges et services rendus. Ce projet sera mis en œuvre avec 3 universitaires : Philippe Eynaud, professeur à l’IAE de Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Jean-Louis Laville, titulaire de la chaire d’économie solidaire du CNAM et Genauto Carvalho de França Filho, professeur en sciences de gestion à l’université fédérale de Bahia. Genauto Carvalho est l'un des concepteurs d’une méthodologie de soutien d’incubateurs de technologie d'économie solidaire : investir les favelas pour transformer l’économie populaire en économie solidaire en mêlant approche économique, socio-économique et socio-culturelle. Avant la présidence brésilienne actuelle, ce projet représentait plus de 150 incubateurs et 1000 emplois créés.
Ressources
Résumé
Autour du thème, Economie informelle : s’appuyer sur les collectifs d’habitants, cette conférence inaugurait le cycle de travaux du RTES sur la thématique économie informelle et ESS, menés avec le soutien de l'ANCT (voir notre article dédié). Le RTES accueillait pour l’occasion Fatima Mostefaoui, déléguée générale du collectif Avec Nous et présidente du collectif de femmes des quartiers nord de Marseille et Claude Sicart, président de Pole S et membre du CNV (Conseil National des Villes).
(Re)voir la conférence en ligne :
- Claude Sicart, président de Pole S et membre du CNV
Pole S, qui signifie Plateforme d’orientation vers l’emploi par l’économie solidaire, a été créée il y a 30 ans à Villeneuve la Garenne et est aujourd’hui implantée dans de nombreux quartiers populaires en Ile-de-France et à Marseille. Claude Sicart est depuis plus de 20 ans militant et professionnel dans les quartiers de la politique de la ville, il a donc été rapidement en prise avec l’économie informelle. D’abord celle qui se donne à voir, présente dans la rue comme les garages de rue et autres services de rue, puis usager quotidien de l’économie informelle en déjeunant le midi grâce à la cuisine réalisée par des collectifs de femmes, seule offre de restauration dans les quartiers où il travaillait. Il a également découvert le fonctionnement des tontines, forme de banque solidaire, tenue surtout par des collectifs de femmes qui se rassemblent et thésaurisent en vue de développer des projets économiques.
Claude Sicart est membre du Conseil National des Villes, instance consultative présidée par le premier ministre qui concourt à la conception et à la mise en œuvre de la politique de la ville. Le CNV a été saisi en mars 2019 par Julien Denormandie, Ministre de la ville et du logement, sur l’économie informelle.
La saisine ministérielle souligne : “les stratégies de développement économique urbain élaborées par les acteurs territoriaux sont essentiellement tournées vers les entreprises et le secteur marchand. Or, force est de constater que dans les QPV, il existe une part importante de l’activité portée par de l’économie sociale et solidaire ou l’économie informelle, pans économiques qui devraient permettre d’intégrer les quartiers prioritaires dans les stratégies globales de développement des territoires. Des projets économiquement viables émergent, parfois à partir d’activités informelles ou peu rentables, mais globalement, les taux de réussite ne sont pas encore à l’échelle des enjeux et des besoins. Or, les quartiers prioritaires disposent d’atouts, notamment une population jeune, dynamique, capable d’identifier les besoins de services, d’activités de proximité et d’y répondre avec ses propres codes et modèles, définis parfois comme l’économie populaire. Comment faire évoluer du non-lucratif vers du lucratif les projets et les initiatives des habitants ? »
Pour Claude Sicart, la volonté de “faire évoluer du non lucratif au lucratif les projets et les initiatives des habitants”, est un peu réductrice de ce qu’est l’économie informelle et si il y a lieu de la rendre plus performante il ne faudrait pas la réduire à des activités qui seraient viables économiquement. Il est intéressant de voir qu’avec et depuis ce rapport du CNV, le sujet de l’économie informelle a surgit dans le débat public alors qu’elle est intrinsèquement liée à l’histoire de la politique de la ville, et même antérieure, mais l’économie informelle a toujours été mise de côté, non reconnue, non prise en compte. Elle n’a ainsi fait l’objet d’aucune étude de l’ONPV (observatoire national de la politique de la ville), sauf il y a un an sur l’économie informelle à Mayotte qui représente 60% de l’économie mahoraise. L’émergence de cette question aujourd’hui est selon Claude Sicart l’expression de l’échec de la politique de la ville : le taux de chômage dans les quartiers populaires atteint toujours près de 30%, 40% de la population est sous les seuils de pauvreté, etc.
Les membres du CNV retiennent comme définition : “l’économie informelle désigne l’ensemble des initiatives et des activités (vente de biens ou de services, prestations, accompagnement de personne, projet individuel ou collectif), créatrices de valeur et de lien de solidarité, qui échappent à la régulation de l’Etat et à la comptabilité nationale, qui ne s’inscrivent dans aucun cadre réglementaire et n’offrent, de ce fait, pas de protection sociale pour les personnes.”
- Fatima Mostefaoui, déléguée générale du collectif Avec Nous et présidente du collectif de femmes des quartiers nord de Marseille
Le collectif des femmes des quartiers nord de Marseille s’est constitué suite à un règlement de compte lié au trafic de drogues ayant causé la mort d’un jeune à la sortie d'un théâtre. Suite à cela des femmes se sont constituées en collectif et ont rédigé une tribune parue en avril 2019, sur la redistribution des biens confisqués de la mafia, motivée surtout par un sentiment d’abandon. Ces biens confisqués, s’ils étaient redistribués dans les quartiers populaires, pourraient servir à leur développement économique, social, etc.
Fatima Mostefaoui insiste sur la nécessité de distinguer économie informelle et économie du crime ou mafieuse, trop souvent confondue ou associée, ce qui d’une certaine façon revient à nier les savoir-faire. L’économie informelle est très présente et depuis longtemps dans les quartiers populaires : depuis des années des femmes font de la cuisine de façon informelle par exemple, mais cela n’est jamais valorisé. Rien n’est fait non plus pour s’appuyer sur cette économie informelle et essayer de faire sortir les gens de leurs difficultés. Une des femmes du collectif fait par exemple de la cuisine de grande qualité, elle pourrait prétendre à ouvrir un restaurant ou faire traiteur, elle est très régulièrement sollicitée pour participer à des événements mais quand elle a voulu créer sa propre activité elle n’a rencontré que des obstacles, et c’est une autre personne avec plus de compétences en ingénierie qui a récupéré son projet. Les compétences sont présentes dans les quartiers populaires, le problème c’est de vouloir faire appel à des compétences extérieures pour accompagner ou “monter en compétences” les habitants des quartiers populaires, ce qui exprime en réalité un manque de confiance envers ces derniers et est très mal vécu. Ce dont ils ont besoin, ce sont des moyens en ingénierie pour le montage de projets et la mise en commun de compétences variées.
En lien avec Pole S, le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille a développé une fabrique numérique (voir le dossier de La Fabrique des quartiers populaires).
Le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille a également initié une place de marché au sein du quartier à partir du travail de femmes qui ont des jardins partagés et cultivent du bio, dans le cadre des tables de quartier, un dispositif de participation des habitants. La place de marché travaille avec une ferme en proximité, l’installation de maraîchers bio sur le territoire, et la vente de produits accessibles aux habitants du quartier.
Des ateliers de fabrication de savons et de lessive sont également organisés, les femmes vendent ensuite leurs productions. Faire sa propre lessive, son propre déodorant, ça n’est pas valorisé dans les quartiers populaires, il y a des porteurs de projets extérieurs qui vendent des produits naturels comme des produits nouveaux, pourtant ce sont des savoir-faire ancestraux dans nos quartiers, nos parents se lavaient les dents avec du charbon, nous avons grandi avec cela, il est nécessaire de faire reconnaître cette économie. Nous avançons sur ces sujets et maintenant un incubateur solidaire est en cours de développement.
Quels freins dépasser pour transformer l’économie informelle vers l’ESS et quels leviers d’action des collectivités territoriales ?
L’économie informelle est une production de biens et de services à faible coût qui permet à des personnes confrontées à des fragilités croissantes d’avoir des revenus, aussi faibles soient-ils. L’économie informelle répond à des besoins de biens et de services à des prix adaptés aux moyens financiers des habitants. Jamais il n’a autant été question du savoir-faire et des initiatives des habitants des quartiers populaires, cette convocation est quasi-quotidienne. Nous sommes donc face à une contradiction évidente : car malgré cette convocation quotidienne, on a en réalité du mal à rendre plus visibles et soutenir ces savoir-faire pour permettre aux gens d’avoir des activités non plus uniquement de survie mais qui permettent d’accéder à des droits.
En premier lieu il s’agit de ne pas croire que cela réglera toutes les problématiques de l’emploi, et d’imaginer qu’il suffit de recruter un chargé de mission dédié pour avoir en un claquement de doigt accès à toutes les pratiques informelles. Cela prend du temps, il faut savoir créer des espaces de confiance où les compétences et savoir-faire peuvent être révélés dans un espace collectif. Cela passe par l’écoute des habitants et la prise en compte notamment des collectifs de femmes qui sont très présents mais souvent invisibilisés, et porteurs d’initiatives socio-économiques et citoyennes.
Un deuxième écueil serait d’envisager la formalisation de l’économie informelle sous le prisme du marché et de la rentabilité. Ces modèles économiques doivent s’appuyer sur un triptyque : la participation citoyenne de ces collectifs, le maintien d’une offre de services qui reste accessible et des subventions publiques. Car il ne faut pas oublier que ces collectifs informels se déploient sur des espaces de réciprocité, il y a des services rendus qui ne sont pas marchands mais qui dégagent des ressources et qui peuvent s’hybrider.
Le rapport du CNV pointe un préalable important : le portage politique au niveau national et local, il y a besoin de financements dédiés, de cadres d’intervention dédiés et également de mobiliser l’ONPV : ce qui n’est pas compté, ne compte pas. L’actuelle période d’élaboration des contrats de ville constitue en ce sens une période propice : les collectivités pourraient inscrire dans ces contrats de ville l’intention de financer de l'ingénierie et se donner des objectifs en vue de ce passage de l’économie informelle vers l’ESS, en co-construisant véritablement avec les habitants.
Un projet de centre de ressource sur l’économie populaire
Pole S, le collectif de femmes des quartiers nord de Marseille ainsi que trois universitaires, portent le projet d’un centre ressource de l’économie populaire qui devrait prochainement voir le jour à Marseille (retardé par la crise Covid-19). Avec l’objectif de s’appuyer sur les tables de quartier (espaces citoyens qui réunissent associations et/ou habitants mobilisés à l’échelle du quartier), il s’agit de découvrir et diagnostiquer l’économie informelle et d’évaluer les flux financiers ainsi que les échanges et services rendus. Ce projet sera mis en œuvre avec 3 universitaires : Philippe Eynaud, professeur à l’IAE de Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Jean-Louis Laville, titulaire de la chaire d’économie solidaire du CNAM et Genauto Carvalho de França Filho, professeur en sciences de gestion à l’université fédérale de Bahia. Genauto Carvalho est l'un des concepteurs d’une méthodologie de soutien d’incubateurs de technologie d'économie solidaire : investir les favelas pour transformer l’économie populaire en économie solidaire en mêlant approche économique, socio-économique et socio-culturelle. Avant la présidence brésilienne actuelle, ce projet représentait plus de 150 incubateurs et 1000 emplois créés.
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